À l’occasion de la 82ème session du Comité contre la Torture, la France a fait l’objet d’une attention particulière de la part des experts internationaux réunis sous l’égide du Comité contre la Torture des Nations Unies. Cette session a été notamment marquée par la présentation d’un rapport consacré aux violences institutionnelles et aux atteintes aux droits des enfants, rapport déposé par Sarah Thierrée en collaboration avec l’organisation CAP Liberté de Conscience.

Dans ce contexte, Sarah Thierrée a participé au dialogue interactif le 15 avril avec les experts membres du Comité, contribuant de manière significative à orienter les échanges sur les problématiques rencontrées par les victimes et à porter à l’attention internationale la nécessité de recommandations concrètes pour une meilleure protection des enfants. Elle a décrit la manière dont la convention de la Haye peut être utilisée contre les parents protecteurs tentant de protéger leurs enfants face à l’échec de la justice. Au final, les mères se retrouvent souvent emprisonnées et leurs enfants envoyés vivre chez leurs agresseurs désignés ou placés à l’aide sociale à l’enfance.

Le rapport déposé par Sarah Thierrée, qui s’appuie sur une analyse rigoureuse de la situation française, met en lumière la persistance de violences institutionnelles envers les enfants, en particulier dans le contexte des procédures relatives à la protection de l’enfance et du traitement des allégations d’abus sexuels incestueux.

Le document met en avant des failles structurelles dans le système français, telles que l’insuffisance de l’accompagnement et du soutien apportés aux victimes, le manque de formation spécifique des professionnels impliqués, ou encore les défaillances fréquentes dans le recueil des témoignages des victimes mineures. Il attire également l’attention sur la difficulté persistante à faire reconnaître la qualité de victime pour les enfants, la tendance à donner crédit aux présumés auteurs dans un contexte familial, et le risque pour les mères protectrices d’être injustement poursuivies et condamnées, au détriment de la sécurité et du bien-être des enfants. Le rapport souligne aussi la nécessité d’augmenter le taux de signalement, d’enquête et de poursuite des faits d’inceste, encore bien trop bas, et recommande de faire évoluer la législation afin de renforcer la protection procédurale des victimes et faciliter leur accès à la réparation.

La France a été reçue par le Comité dans un esprit de dialogue. Le Comité contre la Torture a formulé des observations générales reconnaissant certains efforts accomplis, notamment au regard de la législation récente adoptée pour protéger les mineurs contre les crimes et délits sexuels, ainsi que la création d’une Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. Toutefois, le Comité a également souligné de nombreux points de vigilance, considérant que, malgré ces avancées législatives et institutionnelles, nombre de situations préoccupantes persistent et nécessitent une action résolue de la part des autorités françaises. Les experts ont salué l’engagement de la France dans l’examen périodique, mais ont appelé à poursuivre les réformes, en insistant sur l’importance de mesures effectives pour la détection, la prise en charge et l’accompagnement des victimes de violences sexuelles, particulièrement celles impliquant un contexte d’inceste.

Au sein des conclusions du Comité, les recommandations 32 et 33 occupent une place centrale, en ce qu’elles traitent de manière précise des violences sexuelles à l’égard des enfants et du sort réservé tant aux victimes qu’à leurs proches protecteurs.

Ces recommandations, qui s’inscrivent dans le prolongement direct du rapport déposé par Sarah Thierrée, soulignent notamment les enjeux liés à la prise en charge judiciaire et sociale, en insistant sur la problématique du maintien de la garde parentale au profit d’un auteur présumé d’abus au détriment de l’intérêt supérieur de l’enfant. Les préoccupations soulevées concernent également la récurrence des accusations d’aliénation parentale comme moyen de discréditer la parole des mères protectrices et, plus largement, le manque d’efficacité des dispositifs existants pour garantir la sécurité et la réparation pour les victimes.

Dans leur intégralité, les recommandations 32 et 33 du Comité sont les suivantes :

“Recommandation 32.
Tout en notant l’adoption de la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, et la création et les travaux de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, le Comité s’inquiète des informations selon lesquelles des enfants victimes d’abus sexuels incestueux sont souvent placés sous la garde de leur père, auteur présumé de ces abus, alors que leur mère « protectrice » est susceptible d’être accusée d’aliénation parentale et d’être ainsi poursuivie et condamnée pour enlèvement d’enfant. Il note également avec préoccupation les informations faisant état d’un faible taux de signalements, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations des auteurs de ces violences sexuelles incestueuses, en raison notamment de délais de prescription applicables trop courts, ainsi que de l’insuffisance des mesures de protection et d’assistance accordées aux victimes (art. 2, 11 à 14 et 16).

Recommandation 33.
L’État partie devrait :
a) Garantir que toutes les allégations d’abus sexuels incestueux à l’égard des enfants font l’objet d’enquêtes rapides, impartiales et approfondies et que les auteurs présumés sont dûment poursuivis et condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs crimes, s’ils sont reconnus coupables, en supprimant les délais de prescription applicables aux abus sexuels sur enfants ;
b) Veiller à ce que les mères « protectrices » ne soient pas revictimisées et ne fassent pas l’objet de sanctions injustifiées, et à ce que les enfants victimes d’abus sexuels incestueux aient accès à des voies de recours et des mesures de soutien appropriées et soient indemnisés de manière adéquate ;
c) Renforcer la formation et la sensibilisation des professionnels de la justice, de la police et des services sociaux en matière de détection, de prise en charge et d’accompagnement des victimes d’inceste et de leurs proches.”

Ces deux recommandations s’inscrivent dans le prolongement des principales alertes portées par le rapport déposé par Sarah Thierrée, qui avait insisté sur la nécessité d’une réforme en profondeur pour assurer une meilleure prise en compte des situations d’inceste, la protection effective des victimes et la non-victimisation secondaire des mères protectrices. Le rapport mettait en avant la faiblesse du taux de condamnation alors même que la réalité des violences est désormais mieux connue, et la nécessité de créer un climat où la parole des enfants et des mères est traitée avec sérieux, compétence et impartialité.

Le rappel du Comité sur l’importance de supprimer les délais de prescription relatifs aux abus sexuels commis sur mineur, pour garantir aux victimes la possibilité de voir leur dossier traité indépendamment du temps écoulé, constitue l’une des mesures phares à mettre en œuvre au plus vite. La France est ainsi invitée à s’inspirer des meilleures pratiques internationales afin que la justice soit pleinement restaurée pour les enfants. La formation et la sensibilisation appropriées des professionnels impliqués sont également mises en avant comme conditions indispensables pour garantir le respect des droits des victimes et éviter leur revictimisation au fil du parcours judiciaire ou social. »

L’ensemble des recommandations formulées par le Comité, pointe la nécessité de garantir systématiquement l’accès effectif à des dispositifs d’aide et d’indemnisation pour les mineurs victimes d’inceste, tout en veillant à ce qu’aucune mesure administrative ou judiciaire injustifiée ne soit exercée contre les parents protecteurs. Cette évolution majeure représente le point de départ d’une indispensable transformation de la politique de protection de l’enfance en France.

Dans cette perspective, la prise en compte des recommandations du Comité revêt un enjeu fondamental pour l’État partie, tant pour répondre aux insuffisances relevées par le rapport déposé par Sarah Thierrée que pour garantir la conformité de l’action publique française aux engagements internationaux de protection contre la torture et autres traitements inhumains ou dégradants.

La France est ainsi invitée à inscrire la lutte contre les violences sexuelles à l’égard des enfants au cœur de ses priorités réformatrices, à garantir l’effectivité des mesures réclamées par les instances internationales, et à matérialiser les réformes attendues en matière de justice, de police et d’accompagnement social, afin que chaque enfant puisse voir ses droits respectés et protégés.

Source :

Communiqué final du Comité Contre la Torture  (CAT)

https://www.ohchr.org/en/press-releases/2025/05/un-committee-against-torture-publishes-findings-armenia-france-mauritius

Communiqué du CAT sur la France

https://www.ohchr.org/en/meeting-summaries/2025/04/experts-committee-against-torture-praise-frances-engagement-review

Conclusions du CAT sur la France

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https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CAT%2FC%2FFRA%2FCO%2F8&Lang=en

Rapport déposé par Sarah Thierrée et CAP LC

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https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=INT%2FCAT%2FCSS%2FFRA%2F62679&Lang=en

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