Des subventions publiques financées avec l’argent des contribuables seraient utilisées à mauvais escient par des groupes anti-sectes stigmatisant et incitant à l’hostilité à l’égard de certains groupes religieux ou de croyance et de leurs membres.
Par Willy Fautré, directeur de Human Rights Without Fontiers
HRWF (03.01.2025) – Dans le cadre de son appel à projets 2023, la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a généreusement alloué une subvention de l’État de 150 000 EUR au CAFFES (Centre d’aide aux familles confrontées à l’emprise sectaire). Il s’agit d’une subvention considérable, voire totalement disproportionnée, pour une petite association dont le budget annuel est financé à 90% par des fonds publics.
Si l’importance du montant alloué ne constitue pas une irrégularité en soi, l’opportunité d’une telle générosité de l’État soulève de sérieuses questions et suspicions, car chaque année le financement de l’État maintient artificiellement en vie une association qui, sans lui, fermerait ses portes.
Il a été récemment découvert que le CAFFES avait omis de publier ses rapports financiers au Journal officiel pour les années 2021 et 2022 et qu’il s’était soudainement et en toute hâte, mais seulement en partie, conformé à la loi le… 18 avril 2024, alors qu’il aurait dû le faire chaque année dans les trois mois suivant l’approbation légale du rapport financier. Bien qu’il soit mentionné au bas du document que le rapport a été certifié par un commissaire aux comptes, le rapport lui-même dudit commissaire aux comptes devrait également être publié pour être pleinement conforme à la loi (décret n° 2010-31 du 11 janvier 2010), mais il ne l’a pas été.
Sans la subvention du ministère de l’intérieur, qui représente près de 50 % du budget annuel du CAFFES en 2021 et 2023, l’association pourrait difficilement survivre.
Stigmatisation et incitation à l’hostilité soutenues par l’État
Les fonds publics alloués au CAFFES et à d’autres acteurs non étatiques similaires sont en fait alloués par un certain nombre d’institutions publiques et étatiques, y compris des ministères, pour être utilisés dans la lutte contre certaines communautés religieuses ou de croyance dûment enregistrées et légalement contrôlées. En effet, elles cautionnent et financent la stigmatisation et l’incitation à l’hostilité contre des segments spécifiques de la société civile, mais est-ce leur rôle de fracturer la société et de créer des tensions internes ?
Est-ce le rôle des institutions étatiques de lutter contre les communautés religieuses dont les croyances et les pratiques n’ont pas été sanctionnées par un tribunal, de sous-traiter cette lutte à des associations hostiles à ces communautés de foi et de les instrumentaliser de sorte que des actions aux limites de leur mandat déjà discutable puissent être tentées par d’autres ? C’est pourtant la réalité du terrain.
Un arrêt de la Cour de cassation de 2002 à l’encontre de l’ancien responsable de l’association anti-sectes ADFI qui avait qualifié les Témoins de Jéhovah « d’association de malfaiteurs » est éclairant. Cette militante hostile aux Témoins de Jéhovah était également connue de la justice, comme le montre un autre arrêt de la Cour de cassation de 1999, et elle est aujourd’hui le fer de lance du CAFFES.
Le 27 juin 2024, le CAFFES a lancé un appel à témoignages visant la communauté des Témoins de Jéhovah en France. L’objectif est évidemment de stigmatiser cette communauté religieuse. La diffamation et le discours de haine ne sont pourtant jamais loin des violations de l’Etat de droit.
En 2003, le CAFFES a été condamné par la Cour d’appel de Paris pour diffamation envers les Témoins de Jéhovah et de nombreuses autres associations anti-secte en France et dans d’autres pays européens ont perdu des procès pour le même motif au cours des 20 dernières années.
Malgré le profil de ces acteurs non étatiques qui expriment ouvertement leur hostilité en public, les institutions de l’État financent leurs activités, enfreignant elles-mêmes les lois de la République française.
En outre, en juin 2024, le tribunal administratif de Paris a jugé l’institution publique MIVILUDES coupable de diffamation et l’a condamnée à supprimer des « déclarations incorrectes » affirmant que les Témoins de Jéhovah ne signalent pas les cas d’abus sexuels d’enfants aux autorités laïques et qu’ils découragent les enfants de suivre une éducation scolaire, d’autres fake news reproduites par les médias, et pas seulement en France.
Et en 2023, la MIVILUDES a dû republier son rapport annuel, incluant un droit de réponse de quatre pages de l’Église de Scientologie, pour éviter un procès.
Les associations anti-sectes dans le collimateur de la Cour des Comptes et l’affaire de l’UNADFI
Il est à noter que, grâce à la vigilance des associations de défense de la liberté religieuse pour tous, les organisations anti-sectes financées par l’État sont désormais de plus en plus contrôlées par la Cour des comptes, qui a pour mission de vérifier la bonne utilisation des fonds publics.
Dans son rapport de mars 2024, la Cour a vivement dénoncé les omissions et les mensonges des associations sollicitant des financements auprès de la MIVILUDES, notamment à la suite de l’appel à projets 2021.
Il y a quelques années, l’attribution des subventions publiques liées à l’appel à projets 2021 de la MIVILUDES a été passée au crible par CAP/ Liberté de Conscience, une ONG européenne laïque bénéficiant du statut consultatif auprès de l’ONU (ECOSOC). Elle a ensuite détecté un certain nombre d’irrégularités concernant l’organisation anti-sectes UNADFI (Union Nationale des Associations de Défense des Familles et de l’Individu victimes de sectes) et les a signalées à la Cour des comptes le 23 septembre 2021.
L’affaire CAFFES a également fait l’objet d’une enquête par CAP/ Liberté de Conscience et les informations qui suivent sont tirées de leur rapport publié sur leur site web.
Détournement de l’objectif d’un appel à projets de la MIVILUDES dans l’affaire CAFFES
Dans l’affaire CAFFES, CAP/ Liberté de Conscience a demandé et reçu du préfet du département du Nord, les documents relatifs à l’attribution d’une subvention de 150 000 euros par la MIVILUDES en 2024 (appel à projets MIVILUDES 2023) à l’association lilloise anti-sectes CAFFES.
CAP Liberté de Conscience les a examinées et a relevé des irrégularités qu’elle a jugées particulièrement graves avant de les signaler le 6 août 2024 au préfet, ainsi qu’à la Cour des comptes et au parquet national financier.
A ce sujet, le Président de la Cour, Pierre Moscovici a déclaré « c’est un sujet grave ». Il a également indiqué que le procureur général de la Cour des comptes avait saisi la chambre du contentieux, qui instruira l’affaire « et éventuellement jugera et condamnera qui de droit ».
Il est important de comprendre que l’appel à projets 2023 de la MIVILUDES, comme son nom l’indique, concerne bien évidemment des projets futurs… Il est donc destiné à financer des projets qui seront mis en œuvre au cours d’une période donnée à venir, et en aucun cas des activités présentes ou passées d’une association. Or, selon CAP/ Liberté de Conscience, c’est ce qu’a fait le CAFFES avec la subvention de 150.000 EUR.
Des projets déjà réalisés… ou déjà financés !
Un premier projet annoncé par le CAFFES était la production d’une bande dessinée intitulée « Opération Thomas », mais ce projet était déjà achevé en 2022, grâce à une précédente subvention de la même source, la MIVILUDES ! Elle a été diffusée en ligne sur le site du CAFFES en mars 2023, quelques mois avant la demande de subvention.
Un deuxième projet du CAFFES s’appelle BOOMERING que le CAFFES ne pilote d’aucune façon mais dans lequel il n’est qu’un partenaire, contrairement à ce qu’il a indiqué dans sa candidature. De plus, le site internet du CAFFES lui-même mentionnait que le projet était déjà achevé au premier semestre 2023 avec un financement de l’Union européenne. Dans ces conditions, la demande de financement pour le projet « BOOMERING » était trompeuse, selon CAP/ Liberté de Conscience, puisque la subvention de 150.000 euros ne pouvait donc pas être utilisée à cette fin.
Enfin, le CAFFES a fait référence à un « film de prévention » et à un « court métrage », qui consiste en fait en de courtes séquences vidéo mettant en scène un membre du CAFFES. Ces vidéos ont été tournées à l’aide d’un téléphone portable en plan fixe, puis téléchargées sur YouTube. Ces vidéos amateurs n’ont pas nécessité de compétences ou d’équipements professionnels. À ce jour, ces vidéos ont été visionnées entre 14 et 46 fois – y compris celles de CAP/ Liberté de conscience – à l’exception d’une vidéo qui a connu un franc succès et qui a recueilli 108 vues.
Le compte YouTube officiel du CAFFES n’avait que quatre abonnés et 300 vues du 1er mars au 31 décembre 2024. Cela signifie que même les membres du CAFFES ne regardent pas ces vidéos qui restent très confidentielles. Une fois de plus, une partie de la subvention de 150 000 EUR ne pouvait pas être allouée à la production de ces vidéos.
En résumé: Sur les trois projets censés justifier la subvention de 150 000 EUR, deux avaient déjà été entièrement financés par d’autres sources au moment de la demande, et un consistait en quelques vidéos amateurs tournées gratuitement sur un smartphone dans un bureau et postées sur YouTube.
L’avis de CAP/ Liberté de Conscience sur la responsabilité de la MIVILUDES dans l’affaire du CAFFES
En résumé, une micro-association lilloise qui voulait obtenir un financement colossal de 150.000 euros de la part de la MIVILUDES, s’est portée candidate à des projets qui n’existent plus ou qui ont déjà été financés par d’autres appels à projets et a finalement reçu des centaines de milliers d’euros de la part de la MIVILUDES et d’autres institutions de l’Etat en tout. C’est grâce à ces manœuvres que le CAFFES a pu payer grassement son personnel et continuer à exister sur le dos des contribuables, selon CAP/ Liberté de conscience.
Et que fait la MIVILUDES, pourtant alertée depuis plusieurs années sur des irrégularités dans l’attribution des subventions ?
Elle donne, elle distribue, elle dilapide, elle finance ces associations sous perfusion pour lutter contre le vertige du vide.
MIVILUDES cessait de soutenir ces associations, elles disparaîtraient rapidement, car elles n’ont manifestement aucune crédibilité pour mobiliser l’opinion publique et attirer des dons.
En d’autres termes, le jour où la MIVILUDES deviendra plus rigoureuse et vigilante dans le respect de l’Etat de droit, le petit club fermé des associations sous perfusion financière qui bénéficient des largesses de la MIVILUDES s’effondrera et mourra de mort naturelle.
Mais le cercle des associations bénéficiaires – gardiennes du coffre-fort – veille à ce qu’une telle éventualité ne se réalise pas, quitte à ignorer les messages clairs de la Cour des comptes.
A quel point a-t-il été difficile de découvrir l’utilisation douteuse des fonds publics par le CAFFES ? Seulement quelques heures de recherche pour établir et documenter ce qui se passait, selon CAP/ Liberté de conscience, ajoutant que c’est le travail qui aurait dû être effectué par la MIVILUDES dès le début, mais qu’il n’y avait manifestement pas de volonté de le faire.