La Cour d’appel d’Aix-en-Provence. Credits.
Par deux arrêts successifs, les manœuvres de la FECRIS ont été mises en échec et elle a été condamnée à payer 1500 EUR et 2500 EUR à titre de compensation financière.
par Willy Fautré
Bitter Winter (19.12.2023) – Le 12 décembre 2023, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé un précédent jugement obligeant l’organisation internationale antisectes FECRIS basée en France à se défendre contre une demande de dissolution déposée par une association française.
Pourquoi une demande de dissolution ?
Par acte d’huissier en date du 10 septembre 2022, la CAP-LC (Coordination des associations et des particuliers pour la liberté de conscience), qui défend la liberté de religion ou de conviction dans le monde, a assigné la FECRIS (Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur le sectarisme) à comparaître devant le tribunal d’instance de Marseille, afin d’obtenir la dissolution de l’organisation pour ses activités prétendument illégales.
CAP-LC rappelle qu’elle a été fondée pour défendre les minorités religieuses pacifiques et les nouvelles religions, que la FECRIS n’a cessé de stigmatiser depuis de nombreuses années en les qualifiant de “sectes” dangereuses et nuisibles.
Sa demande de dissolution est fondée sur la diffusion par la FECRIS de propos discriminatoires et diffamatoires en 2006, 2009 et lors de conférences en 2015 et 2016 à l’encontre d’un certain nombre de mouvements religieux et de croyances minoritaires respectueux de la loi.
Elle se fonde également sur une conférence “L’éducation face aux sectes” le 2 juin 2018, sur une autre intitulée “Emprise sectaire et réseaux sociaux” le 17 mai 2019, et une dernière le 25 septembre 2021 sur le thème “Les sectes à l’ère de la Covid-19“.
Elle soutient que les associations membres de la FECRIS et leurs membres en France et dans d’autres pays européens banalisent un discours pseudo-juridico-scientifique visant à accuser de nombreux nouveaux mouvements religieux de ” dérives sectaires “. Ce terme a été spécifiquement inventé par les autorités françaises pour éviter le terme très négativement connoté de “secte”. En effet, un certain nombre de tribunaux, dont la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg, ont déclaré que l’utilisation du terme “secte” était discriminatoire et devait être évitée dans les déclarations et documents gouvernementaux.
Enfin, CAP-LC soutient que l’association membre de la FECRIS en Russie est la voix d’une frange radicale de l’Église orthodoxe dirigée par le Patriarche Kirill et étroitement liée au Kremlin, comme on a pu le constater dès le début de la guerre en Ukraine.
Circonstance aggravante, Alexander Dvorkin, figure orthodoxe en Russie bien connue pour ses discours haineux à l’encontre de mouvements religieux tels que les Témoins de Jéhovah, les Églises évangéliques et protestantes, les adeptes de Hare Krishna et les Scientologues, était membre du conseil d’administration jusqu’en 2023 et même vice-président de la FECRIS jusqu’en 2021.
La FECRIS contribue ainsi à l’hégémonie religieuse de l’Église orthodoxe et à la discrimination à l’encontre des minorités religieuses et spirituelles en Russie, ce qui a conduit à l’interdiction du mouvement pacifique des Témoins de Jéhovah en 2017. Il y a actuellement plus de 120 Témoins de Jéhovah derrière les barreaux en Russie, Alexey Gerasimov étant le dernier à avoir été condamné à six ans de prison le 7 décembre pour avoir organisé des groupes de discussion sur la Bible dans des maisons privées.
CAP-LC dénonce également le détournement des subventions publiques reçues par la FECRIS de la part du Premier ministre français pour une conférence qui devait être organisée en personne en 2020 mais qui s’est tenue à distance et dont les fonds ont été utilisés pour payer les procès que la FECRIS a perdus.
Chacune des accusations de CAP-LC a été étayée par des preuves concrètes, vingt-sept documents au total.
Le tribunal de Marseille. Credits.
A propos de la décision du Tribunal Judiciaire de Marseille
L’affaire a été plaidée le 27 mars 2023. Les avocats de la FECRIS n’ont pas voulu débattre du bien-fondé de l’affaire devant un juge français. Ils ont contre-attaqué, contestant “l’intérêt à agir” de CAP-LC, et soutenant que l’action en dissolution était prescrite. La décision du tribunal judiciaire de Marseille est tombée le 15 mai 2023.
Il a rejeté les arguments de la FECRIS selon lesquels CAP-LC n’avait pas d’intérêt à agir et que l’action était prescrite. Il a condamné la FECRIS à verser 1 500 euros à CAP-LC et à couvrir les frais de procédure.
Dans sa décision, le juge écrit : « La demanderesse dénonce à travers l’assignation des faits imputées à la FECRIS susceptibles de porter atteinte à son objet dans la mesure où ils nuiraient à la liberté de conscience et à la liberté religieuse. Elle apporte à l’appui de ses demandes des documents émanant de membres de la FECRIS ou reproduisant des propos qui auraient été tenus au cours de colloques de la FECRIS. Il appartiendra au juge du fond de se prononcer sur la preuve de ces faits et leur influence sur la validité de l’objet de l’association. S’ils étaient retenus comme vrais, ils seraient de nature à porter atteinte à l’objet de la demanderesse. Il en résulte que, au stade de la recevabilité, la société CAP LC justifie d’un intérêt à agir. »
A propos de la décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence
Le 12 décembre 2023, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé la première décision.
L’arrêt stipule ce qui suit : “Il apparaît ainsi que l’objet social de CAP LC qui vise la promotion générale de la liberté de conscience de religion et de conviction, dans le cadre de la défense d’intérêts collectifs est susceptible d’être affecté par les activités de la Fecris, et qu’elle justifie donc d’un intérêt à agir légitime et actuel pour réclamer la dissolution de cette association.”
Le tribunal a de nouveau condamné la FECRIS, à verser cette fois 2 500 euros à CAP-LC et à couvrir les frais de procédure.
Il faut rappeler que la FECRIS a été condamnée pour 18 chefs d’accusation de diffamation à l’encontre des Témoins de Jéhovah par un tribunal allemand en 2020. En outre, de nombreuses décisions de justice ont été rendues en France entre 1997 et 2015 contre des associations membres de la FECRIS, en particulier l’UNADFI et le GEMPPI, ce qui fait de la FECRIS une industrie de production de discours de haine.