Par Thierry Valle 13/12/2023
Hannah Arendt cite un aphorisme de René Char (publié dans Feuillets d’Hypnos en 1946). « Pendant la Résistance, une génération d’écrivains et d’hommes de lettres européens a mis en place, dans le vide politique créé par l’effondrement de l’ancien système, un domaine public distinct, un espace nu où la liberté pouvait apparaître. Mais cette possibilité n’a pas duré longtemps. Rapidement, ce trésor apparu à l’improviste dans des conditions mystérieuses, a été perdu. Cette génération n’a pas été capable de lui donner un nom. L’histoire des révolutions s’est répétée.
Sans testament, aucun passé n’est assigné à l’avenir. Il n’y a pas de tradition qui choisit, nomme, transmet et conserve. Sans continuité dans le temps, on ne connaît pas la valeur des trésors. Les héritiers, les acteurs et les témoins, incapables de donner un nom à ce dont ils ont hérité, finissent par l’oublier. C’est alors que la tragédie commence. En l’absence d’une conscience capable de questionner, méditer, se souvenir, raconter l’histoire et lui donner un sens, l’action n’a de valeur que pour les morts et n’en a aucune pour les vivants. L’acte ne s’achève pas, l’événement échappe. »
C’est dans cet espace de liberté qu’est née la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dont nous fêtons aujourd’hui le 75ème anniversaire.
Ces même hommes qui ont lutté contre la barbarie de la second guerre mondiale ont aussi donné naissance aux Nations Unies qui ont célébré leur 75ème anniversaire en 2020.
Au cours de ces 75 années les Nations Unies et la déclaration Universelle des Droits de l’Homme ont fait face à de nombreux défis ; si beaucoup ont été relevés il en reste encore un grand nombre qui malheureusement font toujours l’actualité.
De par les buts de mon ONG, je suis plus particulièrement attaché à l’article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui est La liberté de religion et de croyance Cet article fondamental a été inclus par les Nations Unies dans d’autres traités onusiens comme par exemple :
L’article 18 a été inclus en 1966 dans Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).
En 1981 : Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction.
1998 : La Commission des droits de l’homme des Nations unies a nommé un rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, chargé de surveiller la situation de la liberté de religion dans le monde et de faire rapport à ce sujet. Le rapporteur spécial enquête sur les allégations de discrimination et de persécution religieuses et recommande des mesures pour y remédier.
Cependant, la liberté de religion est menacée dans de nombreux pays du monde. Selon le rapport 2023 du Département d’État américain sur la liberté religieuse dans le monde, 61 pays, représentant environ 62 % de la population mondiale, ne respectent pas la liberté religieuse.
La crise climatique que nous traversons a fait émergé de nouvelles menaces et nous devons faire face à de nouveaux défis pour préserver la liberté de religion.
Parmi ces nouveaux défis il est impératif mettre en avant les acteurs impliqués par la Liberté de Religion pour une participation active à la mise en place des ODD.
La préservation de notre planète est le défi majeur que nous devons relever pour les générations futures et le monde des religions a un rôle important à jouer dans ce domaine.
Une étude internationale a montré comment la liberté de religion pouvait jouer un rôle majeur dans mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD).
Voici quelques exemples de comment le respect de la liberté religieuse pourrait s’inscrire dans les objectifs de développement durable :
ODD 1 : Mettre fin à la pauvreté
La liberté religieuse permet de lutter contre la pauvreté “à petite échelle” grâce à l’”autonomie”.
Dans le monde entier, des initiatives confessionnelles novatrices s’attaquent à la pauvreté en recourant à des approches ascendantes de réduction de la pauvreté, qui permettent aux individus d’être ingénieux, résistants et autonomes.
ODD 5 – Egalité entre les sexes
La religion est souvent considérée comme un obstacle à la parité hommes-femmes. Les histoires de violences sexistes commises au nom de la religion abondent.
Le facteur critique négligé ici est la liberté religieuse. Sans liberté religieuse, les groupes minoritaires, y compris les femmes, ne seront pas présents à la table et leurs voix vitales, productives et créatives ne seront pas entendues.
ODD16 – Favoriser la paix
Une étude mondiale remet en question le mythe de la violence religieuse. La recherche n’a pas trouvé de relation de cause à effet générale entre la religion et les conflits lorsqu’elle a examiné tous les conflits actuels dans le monde.
Les pays où la liberté religieuse est plus grande sont généralement plus pacifiques, tandis que les pays où la liberté religieuse est moins grande sont généralement moins pacifiques.
Le facteur le plus influent sur la liberté religieuse est le type de gouvernement. Les démocraties totales sont les plus pacifiques et ont le plus haut niveau de liberté religieuse, quel que soit le type de croyance religieuse ou les diverses caractéristiques religieuses.
La déclaration Universelle des Droits de l’Homme, héritage qui nous a été transmis il y a 75 ans et tout particulièrement le droit fondamental qu’est la Liberté de Religion et de Croyance doit aujourd’hui s’inscrire dans ce nouveau défi des ODD