En Allemagne, différentes administrations nationales, régionales et locales continuent de harceler, de discriminer et de justifier l’inégalité de traitement des membres d’une religion minoritaire, malgré les décisions des tribunaux allemands et les préoccupations du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction et du Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités.
Depuis près de 30 ans, et encore aujourd’hui en 2021, des citoyens allemands sont, dans des contextes de vie quotidienne, tenus de signer des déclarations selon lesquelles ils n’ont pas participé et ne participeront pas à une activité liée à la Scientology avant d’obtenir certains emplois publics ou privés, ou avant d’obtenir une subvention municipale pour obtenir un vélo électrique et contribuer ainsi aux efforts de la ville en matière de protection de l’environnement, comme c’est le cas pour la ville de Munich.
Le 16 juin 2021, la ville de Munich a été condamnée par la Cour d’appel administrative de l’État de Bavière pour avoir discriminé une artiste membre de la religion de Scientology, en refusant de lui accorder une subvention pour l’achat d’un « pedelec » (vélo électrique). La Cour a maintenant obligé la ville à lui verser une subvention pour l’achat d’un vélo électrique.
Le 3 août, la Cour d’appel administrative de l’État de Bavière a signifié sa décision écrite (dossier n° 4 B 20.3008) dans cette affaire opposant une scientologue à la ville de Munich. L’affaire est liée à la directive de la ville sur le financement des E-véhicules, émise pour aider à améliorer la protection de l’environnement, et au refus de la ville d’approuver une subvention pour l’acquisition d’un vélo électrique à la scientologue, uniquement parce qu’elle était une paroissienne de la religion de Scientology.
La Cour administrative de l’État de Bavière a condamné la pratique de la ville avec des mots sans équivoque, comme étant une interférence injustifiée dans la liberté de religion garantie par l’art. 4 de la Constitution allemande et comme une violation de l’Art. 3 de la Constitution qui interdit l’inégalité de traitement devant la loi.
La cour a déclaré : « L’exclusion des demandeurs, qui se sentent liés par les enseignements de la Scientology, du cercle des bénéficiaires des subventions [pour un vélo électrique] constitue également une violation des droits fondamentaux à plusieurs titres. Elle est incompatible avec la liberté de religion ou de philosophie et ne satisfait pas aux exigences de la Constitution en matière d’égalité des droits ».
Comme la Cour administrative suprême fédérale l’avait déjà jugé en 2005, le tribunal administratif de l’État de Bavière a également confirmé que la plaignante et, de manière générale, tous les membres de l’Église de Scientology peuvent « en tout état de cause revendiquer le droit fondamental de l’art. 4 sect. (1) de la Constitution ». L’art. 4 sect. (1) de la Constitution allemande garantit l’inviolabilité de la liberté de croyance ou d’appartenance à une dénomination religieuse et philosophique. En refusant la subvention demandée, la ville de Munich l’avait violée de façon multiple.
Le tribunal a interdit à la ville d’exiger de manière générale la révélation de la conviction religieuse ou philosophique de tout citoyen et d’exclure de manière générale les scientologues de son programme de financement des vélos électriques. Le tribunal a estimé que « les mesures prises par les autorités publiques qui sont dirigées de manière délibérée contre la pratique d’un droit fondamental protégé par l’art. 4 sect. (1) de la Constitution, constituent en tout cas des interférences indirectes avec un droit fondamental. Ces conditions préalables sont remplies dans le cas de l’exclusion des adhérents de la Scientology du programme de financement de la défenderesse lorsqu’elle cette exclusion est liée à leur croyance personnelle. ».
Selon le magazine BitterWinter[1], « les juges ont également noté que les bureaux locaux de protection de la Constitution ont le droit d’agir pour “prévenir et supprimer des actes anticonstitutionnels concrets”, mais qu’il ne fait pas partie de leur travail d’exclure des individus de certains avantages accordés à tous les citoyens. L’exclusion des scientologues des subventions publiques établies dans l’intérêt de l’écologie “est incompatible avec la liberté de religion ou de conviction” car, “selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral, les personnes dont la vie personnelle est régie par la doctrine de la Scientologie peuvent invoquer la protection de la liberté religieuse ou philosophique”, indépendamment de l’évaluation de la Scientologie par les offices de protection de la Constitution. ».
En ce qui concerne l’interdiction des pratiques de traitement inégal, la cour a estimé que la pratique d’exclusion de la ville viole les principes fondamentaux d’égalité des droits de la Constitution. La cour a déclaré : « Pour des raisons d’égalité de traitement également, l’exclusion des membres et adhérents de la Scientology du programme de financement de la défenderesse [la ville de Munich] doit être considérée comme illégale. Elle viole l’art. 3 sect. (1) et (3) de la Constitution », c’est-à-dire qu’elle viole le principe fondamental selon lequel toutes les personnes sont égales devant la loi et qu’elles ne doivent pas être soumises à des désavantages en raison de leur croyance ou de leur conviction religieuse ou philosophique.
Alors que ce type de décisions devient de plus en plus courant contre les autorités allemandes, l’État continue d’utiliser, d’autoriser et de tolérer la discrimination et même le harcèlement financé par des fonds publics des croyances et des membres de ce mouvement religieux établi au niveau international.
En septembre 2020, nous avons demandé au Conseil des droits de l’homme de prendre des mesures concernant l’Allemagne pour que ces violations des droits humains cessent. Bien qu’une action diplomatique ait pu être entreprise, nous insistons auprès du Conseil des droits de l’homme pour qu’il aborde la question avec la délégation allemande afin qu’elle respecte les engagements pris par cet État en matière de respect des droits de humains, sans que des représailles soient exercées contre les scientologues ou leurs églises en les ostracisant même s’ils ne violent pas la loi, comme l’a confirmé une autre Haute Cour allemande à Baden‑Württemberg le 4 mars de cette année (dossier no VGH 8 S 1886/20) dans le cas d’un autre scientologue. Dans cette affaire, le gouvernement de l’État avait émis un ordre interdisant à un scientologue l’accès aux zones de sécurité des aéroports allemands, uniquement en raison de son appartenance à la Scientology. Cela aurait rendu impossible l’exercice de sa profession d’ingénieur électricien pour assurer la sécurité du trafic aérien par l’éclairage de leurs pistes. La Cour d’appel administrative de l’État a confirmé le jugement de première instance qui en 2020 avait annulé l’ordre du gouvernement comme étant inapproprié et une violation de ses pouvoirs discrétionnaires.
Ce qui précède montre que des violations des droits de l’homme se produisent en Allemagne à l’encontre des scientologues par la pratique administrative générale. En l’absence d’une telle pratique, les scientologues ne seraient pas obligés de défendre leurs droits fondamentaux à chaque fois dans de longues procédures judiciaires.