La commission de l’Éducation et de la Culture de la Haute assemblée a annulé l’interdiction de l’instruction à domicile motivée par des convictions philosophiques ou religieuses.
Patricia Duval, avocate, pour Human Rights Without Frontiers (duval.patricia@gmail.com)
HRWF (22.03.2021) (source : https://bit.ly/3feUacu)– Le projet de loi confortant le respect des principes de la République, qui vise à éliminer les racines de l’extrémisme islamiste en France, contenait une interdiction générale de l’instruction en famille avec la possibilité d’octroi d’autorisations spécifiques et limitées, par exemple pour des raisons liées à la santé de l’enfant. Il prévoyait expressément qu’aucune autorisation ne pourrait être délivrée pour des raisons philosophiques ou religieuses.
Ces dispositions non seulement manquaient leur cible car aucun lien n’a pu être établi entre les auteurs d’actes terroristes et un quelconque cursus d’instruction à la maison (qu’en règle générale les familles pauvres issues de l’immigration ne peuvent se permettre) mais elles étaient également contraires aux engagements internationaux de la France en matière de droits de l’homme, tels que la Convention européenne des droits de l’homme et la Convention internationale des droits de l’enfant.
L’interdiction du choix de l’instruction à la maison pour des raisons philosophiques ou religieuses était en réalité partie intégrante de la politique française visant à contrecarrer l’influence supposément indue de la famille ou de la communauté sur les croyances religieuses des enfants.
Depuis l’adoption de la loi de 2004 sur le port des signes religieux ostentatoires dans les écoles publiques, la France a suivi une pente dangereuse en restreignant indûment la sphère de la liberté de conscience ou de religion. La Laïcité est passée d’une obligation de neutralité incombant aux agents de l’Etat, dispensant un service public, à savoir les enseignants, à une obligation s’imposant aux usagers du service public, à savoir les élèves des écoles.
Cette évolution a été suivie par l’adoption d’une Charte de la Laïcité en 2013 qui a été affichée dans toutes les écoles et à laquelle les élèves devaient prêter allégeance. Aux termes de la Charte, la laïcité « les protège de tout prosélytisme et de toute pression qui les empêcheraient de faire leurs propres choix » afin de forger leur esprit critique au moyen de « questionnement scientifique et pédagogique ».
Dans une interview relayée dans les médias à l’époque, le Ministre de l’éducation Vincent Peillon expliquait qu’afin de lui donner la liberté de choix, l’Etat devait être capable « d’arracher l’élève à tous les déterminismes », y compris le déterminisme familial en matière religieuse.
L’interdiction de l’instruction en famille motivée par des raisons religieuses est en droite ligne avec cette dérive de la conception de l’Etat de son propre rôle, qui est passée d’être neutre dans les questions religieuses à en quelque sorte « déprogrammer » les enfants de leur contexte familial religieux.
Il ne peut être le rôle de l’Etat de s’opposer aux choix des parents en matière d’éducation religieuse. L’Etat a non seulement une obligation de neutralité mais également le devoir de s’assurer que les parents peuvent éduquer leurs enfants conformément à leurs propres croyances.
L’article 2 du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales prévoit :
Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’État, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques.
Dans un article publié dans Le Figaro le 9 février 2021, la présidente des associations familiales catholiques (AFC) affirmait très clairement « Non, les enfants n’appartiennent pas d’abord à la République ».
Elle a ensuite déclaré que le projet de loi « confortant le respect des principes de la République » remettait en cause la primauté éducative des parents, alors qu’il s’agit d’un droit fondamental, garanti par les engagements internationaux de la France. Elle a en particulier expliqué :
Nous assistons depuis plusieurs années à une remise en cause de la place des parents en tant que premiers éducateurs au profit d’un État qui veut de plus en plus orienter l’éducation des enfants. Même si nous sommes bien conscients de l’urgence de combattre le fanatisme et d’éteindre les foyers du terrorisme, il ne faudrait pas non plus que l’ensemble des parents essuient des dommages collatéraux de cette politique.
Il y a quelques années, un ministre de l’Education ne déclarait-il pas vouloir arracher les enfants aux «déterminismes familiaux» et s’appuyer sur la jeunesse pour faire évoluer la société et que les enfants appartenaient à la République et non aux familles? La remise en cause de l’Enseignement en Famille est clairement une atteinte à la liberté d’éducation qui est un droit des familles.
« Les enfants appartiennent à la République avant d’appartenir à leurs parents », cette déclaration sous-tendait le plan soumis en 1793 par Robespierre, le dictateur issu de la révolution française. Ces révolutionnaires voulaient que les enfants soient d’abord éduqués par l’Etat, et non par les parents.
Cette époque est depuis longtemps révolue et puissions-nous être protégés de la dictature.
L’interdiction de l’instruction en famille n’avait rien à faire dans le projet de loi confortant le respect des principes de la République. Elle a été à juste titre retirée le 16 mars par la Commission du Sénat, en invoquant la liberté d’enseignement, reconnue comme principe à valeur constitutionnelle.
Espérons qu’elle ne soit pas réintroduite durant les débats au Sénat qui commenceront le 30 mars ou à l’Assemblée lorsque le projet de loi y retournera.